jeudi 11 juin 2020

L’intelligence émotionnelle: la comprendre pour mieux la développer

D'émergence relativement récente, la notion d’intelligence émotionnelle (Meyer, Salovey, 1990) se développe comme une critique de la conception traditionnelle de l’intelligence. La conception traditionnelle de l’intelligence la réduit à l’utilisation capacités cognitives de l’individu dans la réalisation de diverses activités et l'adaptation à son environnement. L’idée selon laquelle l’intelligence va donc au-delà des capacités cognitives traditionnellement valorisées par l’apprentissage n’est d’ailleurs pas nouvelle dans des études en psychologie.

Dès les années 1940, Wechsler, le créateur des échelles de mesures de l’intelligence pour enfants (Wechsler Intelligence Scale for Children, WISC) et pour adultes (Weschler Adult Intelligence Scale, WAIS) expliquait déjà que l’intelligence cognitive n’explique pas toute la variance dans l’adaptation de l’être humain à son environnement. Ceci laissait entrevoir que d’autres facteurs interviennent dans ce processus.

Thorndike (1990) va développer la notion d’intelligence sociale pour expliquer ces facultés d’adaptation à l’environnement social. Alors que Gardner (1983/1993 ), distingue, quant à lui,  deux (2) formes d’intelligence : l’intelligence intrapersonnelle et l’intelligence interpersonnelle. Aujourd'hui on parle de plus en plus d'intelligence situationnelle pour traduire la capacité de l'individu à réagir de façon adéquate et spontannée en tenant compte des contrainte de la situation (nous reviendrons sur cette notion dans un autre article). Ce qui demande des dispositions cogntives sans doute, mais aussi d'autres facultés qui oeuvent être d'ordre social, émotionnel, entre autres.

 

L’intelligenceémotionnelle : définition

Si l’intelligence, comme on l’a vu précédemment, est traditionnellement perçue comme la capacité de raisonnement et d’analyse et renvoie aux fonctions cognitives, l’émotion quant à elle, traduit les réactions primaires, difficilement contrôlables, qui surviennent suite à l’occurrence d’un évènement précis ou dans certaines conditions. Pris ainsi, ces deux systèmes de fonctionnement chez l’être humain peuvent souvent être corrélés négativement. C'est-à-dire que l'intelligence (cognitive) et les émotions (du moins certains types d'émotions) semblent être antagonistes par essence. En effet, on constate très souvent lors des accès de colère (une émotion) une réduction de la capacité de raisonnement et d’analyse.

L’intelligence émotionnelle, quant elle, traduit la capacité à se servir positivement de ses émotions. C’est-à-dire à les écouter, les maîtriser et les utiliser positivement pour mieux s’adapter à son environnement. Plusieurs modèles permettent de comprendre cette notion.

 

Le modèle de Saloveyet Meyer (1990)

D’après Meyer et Salovey (1990), l’intelligence émotionnelle se situe à l’intersection des cognitions et des émotions. Les individus varient dans leurs capacités à traiter les informations de nature émotionnelle et leurs capacités à établir un lien entre ce traitement des émotions et la cognition générale. Le modèle présenté par ces auteurs comprend trois (3) processus mentaux principaux :

·         - Évaluer et exprimer les émotions (les siennes et celles des autres) ;

·         - Être capable de les réguler.

·        - Savoir les utiliser pour faciliter les processus cognitifs.

Ce modèle est ensuite révisé par les auteurs en faveur d’un modèle plus complexe dans lequel l’intelligence émotionnelle est un construit hiérarchique à quatre (4) branches qui représentent, chacune, une catégorie de capacités (1997) :   

·        -  La perception et l’évaluation, verbales et non verbales, des émotions ;

·    - La capacité d’intégration et d’assimilation des émotions pour faciliter et améliorer les processus cognitifs et perceptuels ;

·         - La connaissance du domaine des émotions (au sens du « savoir »), compréhension de leurs mécanismes, de leurs causes et de leurs conséquences ;

·         - Et enfin la gestion de ses propres émotions et celles des autres ;

 


Figure 1 : Synthèse modèle d’intelligence émotionnelle de Mayer et Slovey (1997)

Pour Mayer et Slovey, l’intelligence émotionnelle est « la capacité à percevoir l’émotion, à intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre les émotions et à les maîtriser afin de favoriser l’épanouissement personnel » (1997).

Dans cette approche, les émotions sont perçues et clairement exprimées ; elles sont ressenties et influencent la cognition ; elles entrent dans le système cognitif en tant que signaux reconnus car bien identifiés, et ont des des influences sur la cognition ; on se préoccupe donc des émotions et des informations qui s’y rapportent ; les signaux émotionnels au sujet des relations sont compris, de même que leurs conséquences temporelles sur les interactions sociales ; on tient donc compte des conséquences des émotions, du fait qu’elles sont ressenties et de leurs significations particulières, pour agir ou pour réagir ; les pensées favorisent la croissance émotionnelle, intellectuelle et personnelle ; la gestion des émotions encourage l’ouverture aux sentiments.

 

Le modèle de Goleman (1995 et 1998)

Le modèle de Goleman se décline en 25 compétences articulées autour de cinq (5) axes principaux :

·       -  La conscience de soi et la capacité à comprendre ses émotions ;

·      - L’autorégulation et la maîtrise de soi ;

- L La motivation interne;

-  - L'empathie;

--
- Les aptitudes sociales.

 

Figure 2 : Modèle d’intelligence émotionnelle de Goleman

La conscience de soi et la capacité à comprendre ses émotions

Cet axe renvoie à la capacité à reconnaître et comprendre les humeurs personnelles, les émotions et les moteurs internes, tout comme leurs effets sur les autres. Les indicateurs de la conscience de soi (c’est-à-dire les compétences émotionnelles associées à cette composante) comprennent l’auto-assurance, l’auto-évaluation réaliste et  un sens de l’humour auto-dérisoire. La conscience de soi dépend de la capacité à surveiller son propre état émotionnel et d’identifier et nommer correctement ses émotions.

La maîtrise de soi

Il s’agit dans cet axe de la capacité de contrôler ou rediriger ses pulsions et ses humeurs perturbatrices, et la tendance à suspendre le jugement et de réfléchir avant d’agir. Les indicateurs comprennent la fiabilité, l’intégrité, ainsi que l’acceptation de l’ambiguïté et de l’ouverture au changement. 

La motivation interne

Le moteur interne va au-delà de l’argent et du statut, tous deux des récompenses externes. C’est la vision de ce qui est important dans la vie, le plaisir d’accomplir une tâche, la curiosité d’apprendre, un « flux » qui vient de l’immersion dans une activité. C’est une tendance à poursuivre des objectifs avec énergie et persistance. On peut citer comme indicateurs une forte envie d’accomplissement, l’optimisme à l’épreuve des échecs  et l’engagement organisationnel.     

L’empathie

L’empathie est la capacité à comprendre la structure émotionnelle des autres. Il s’agit de l’habilité à traiter les personnes en fonction de leurs réactions émotionnelles. Toute chose qui implique la capacité de savoir écouter les émotions des autres. Les indicateurs comprennent l’expertise dans la construction et le maintien du talent, la sensibilisation interculturelle et le service aux clients. L’empathie concerne l’intérêt et l’implication dans les émotions des autres, la capacité à sentir ce qu’ils ressentent.

Les aptitudes sociales

Le dernier axe porte sur l’habilité dans la gestion des relations et dans la construction de réseaux, ainsi qu’une capacité à trouver des points communs et de construire des liens. Comme indicateurs des compétences sociales, on peut citer l’efficacité dans la conduite du changement, le pouvoir de persuasion, la création d’expertise et le leadership des équipes.

Goleman et ses collaborateurs définissent l’intelligence émotionnelle comme « la manifestation concrète de certaines compétences (conscience de soi, maîtrise de soi, gestion de soi, conscience sociale, compétences sociales) en temps voulu, de manière adéquate et proportionnée afin d’être efficace dans une situation donnée » (Bayatsis, Goleman et Rhee, 2000). D’après Goleman, les compétences émotionnelles ne sont pas des talents innés, mais des capacités apprises qu’il faut développer et perfectionner afin de parvenir à un rendement exceptionnel.

Tableau 1 : Les 25 compétences émotionnelles d’après Goleman

Composantes

Compétences émotionnelles

 

Conscience de soi

Conscience émotionnelle

Auto-évaluation précise

Confiance en soi

 

 

Maîtrise de soi

Contrôle de soi

Fiabilité

Conscience professionnelle

Adaptabilité

innovation

 

Motivation

Exigence de la perception

Engagement

Initiative

Optimisme

 

 

Empathie

Compréhension des autres

Passion du service

Enrichissement des autres

Exploitation de la diversité

Sensibilité politique

 

 

 

 

Aptitudes sociales

Influence

Communication

Sens de la médiation

Leadership

Gestion des changements

Construction des liens

Sens de la collaboration et de la coopération

Capacité de mobiliser une équipe

 

 

Le modèle de Bar-on (1997 et 2000)

Le modèle de Bar-on met au point l’un des premières mesures de l’intelligence émotionnelle : le Quotient émotionnel. Ce modèle définit l’intelligence émotionnelle comme un ensemble d’aptitudes, de compétences et d’habiletés non cognitives qui influencent la capacité de l’individu à réussir en s’adaptant aux pressions et aux exigences de son environnement.

Le modèle de Bar-on distingue cinq (5) composantes de l’intelligence émotionnelle divisée en 15 sous-dimensions. Ces composantes sont :

·         - Les compétences personnelles ;

·         - Les compétences interpersonnelles ;

·         - L’adaptabilité ;

·         - La gestion du stress ;

·         - L’humeur générale.

Les composantes du modèle de Bar-on et les 15 sous-dimensions

Composante 1. La perception de soi

Cette composante a trois (3) sous-dimensions à savoir : l’amour-propre, la réalisation de soi et la conscience de soi émotionnelle.

Composante 2. L’expression individuelle

Elle est composée également de trois (3) sous-dimensions : l’expression émotionnelle, l’affirmation de soi et l’indépendance.

Composante 3. Les relations humaines.

La composante relations humaines est aussi composée de trois (3) sous-dimensions : la sous-dimension relations humaines, la sous-dimension empathie et la sous-dimension responsabilité sociale.

Composante 4. Prise de décision.

Les trois (3) sous-dimensions de cette composante sont les suivantes : la résolution des problèmes, le sens de la réalité et le contrôle des impulsions.

Composante 5. La gestion du stress.

Pour ce qui est de la composante gestion du stress, les trois (3) sous-dimensions sont la flexibilité, la tolérance au stress et l’optimisme.


Ces compétences émotionnelles regroupées en sous-dimensions et composantes vont donc concourir pour assurer à l’individu un bon fonctionnement social et émotionnel, et lui garantir la performance et le bien-être.  

Développer son intelligence émotionnelle (cliquer ici)

D’après Bar-on, l’intelligence émotionnelle se développe avec le temps. Il est possible de l’améliorer par la formation et la thérapie. Bar-on (2000) parle de « l’intelligence émotionnelle et sociale » pour englober son concept et redéfinit son modèle en 10 composantes-clés et cinq facilitateurs de l’intelligence émotionnelle. Ces facilitateurs sont l’optimisme, la joie, le développement de soi, l’indépendance et la responsabilité. Il pose l’hypothèse que les personnes ayant un quotient émotionnelle (QE) supérieur à la moyenne réussissent en général mieux à faire face aux exigences et aux pressions de l’environnement. A l’instar de Goleman, il ajoute qu’une déficience de l’intelligence émotionnelle peut empêcher le succès et traduire l’existence des problèmes psychologiques. Pour Bar-on, de façon général, l’intelligence émotionnelle et l’intelligence cognitive contribuent autant l’une que l’autre à l’intelligence générale d’une personne. Cette intelligence générale étant l’indicateur de son potentiel de réussir dans la vie.

Les modèles de Bar-on et de Goleman se rapprochent des BIG FIVE encore appelé FFM (Five Factor Model) qui décrivent la personnalité d’après cinq (5) traits de caractères fondamentaux. A savoir :

·         L’ouverture ;

·         La conscience des autres ;

·         L’extraversion ;

·         La conscience des actes ;

·         Et l’équilibre émotionnel.

Fort de ce qui précède, on peut définir l’intelligence émotionnelle comme « la capacité à percevoir ses propres émotions ainsi que celles des autres, à les comprendre, à les utiliser et à les réguler pour atteindre un objectif clairement défini. » (https://www.intemotionnelle.com/quest-ce-que-lintelligence-emotionnelle/). Cette définition met en avant la connaissance des émotions et leur analyse rationnelle.  

C. M.

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